Mon histoire
J'ai atterri à la clinique de Mon repos, Ecully, accompagné par une amie au mois d'Avril 2012. Comme dans tous les hôpitaux, nous avons attendu deux ou trois heures avant d'être reçus.
Je souffrais d'une grave dépression suite à une rupture sentimentale, et d'un problème d'alcool. J'avais décidé de me sevrer totalement et de me concentrer avant tout sur ma grande tristesse, ce que j'ai précisément stipulé au psychiatre qui nous a reçu.
La première chose qu'il a dite quand je lui ai parlé de ma rupture, ç'a été de regarder mon amie et de dire : « Et elle ? Elle n'est pas à votre goût ? ». Je trouve ça inacceptable.
Il m'a prescrit une dose pharaonique de médicaments, ce qui nous a quelque-peu inquiété mais selon lui c'était le « protocole ». Il n'a donné aucune explication supplémentaire.
Je trouve ça incompréhensible.
Une fois mon amie partie, je me suis mis dans le moule, j'ai accepté les pilules, j'ai fait profil bas et fermé ma bouche alors que je voyais tous les soirs dans la cour des gens boire des bouteilles entières d'alcool, au vu et au su du personnel médical qui ne pipait mot (1).
Je trouve ça écoeurant.
J'ai malgré cela tenu un mois sans boire une goutte, réclamant un psy (facturé tous les jours alors qu'il fallait lui courir après semaine après semaine) et ne voyant une assistante sociale qu'une fois par semaine alors que je me trouvais dans une grande précarité. Je m'étais en effet retrouvé sans domicile fixe du jour au lendemain.
J'étais là pour la dépression, le personnel ne me parlait que d'alcool tout en laissant les autres boire.
Je trouve ça illogique.
Au bout d'un mois d'efforts et d'un nombre ridicule de séances avec mon psy qui ne savait que dire : « Vous êtes malheureux de l'avoir perdue ? Trouvez-en une autre ! », j'ai racheté une bouteille par jour, puis deux, puis trois.
Mon psy étant parti en vacances (ça leur arrive très souvent là-bas), il a été remplacé par un être nauséabond du nom de B.K, qui s'est comporté avec moi de manière inqualifiable. Sa méthode, c'était de dire que je n'avais pas le droit d'avoir mal. Quand j'arrivais dans son cabinet, il exigeait que je pose mes deux mains sur la table tout le long de la séance. Pourquoi ? Aucune idée. A chacune de nos séances, cet homme a exercé une pression malsaine sur moi et a profité du fait que j'étais dans un état de grande détresse et de fragilité avancées pour asseoir son autorité. Il ne devrait pas avoir le droit d'exercer.
Finalement, venu en ce lieu pour me soigner, j'étais dans un état plus lamentable qu'à mon entrée.
J'ai pourtant donné de ma personne, j'étais dans une véritable envie d'aller mieux et une réelle volonté de travailler sur moi-même, ce qui n'était pas le cas de tous les autres patients.
Un jour, à bout, j'ai demandé à changer de psychiatre, on m'a répondu que c'était impossible ; trop compliqué, ont-ils dit.
En fait, le règlement intérieur n'était respecté ni par le personnel ni par les patients, tout fonctionnait à la tête du client. Une ambiance très négative se dégageait de tout ça et, cherchant un endroit calme pour faire le point, je me suis au contraire constamment senti en insécurité morale.
C'est un détail pour ce qui suit, mais ils m'ont jeté dehors avec pertes et fracas le jour où ma CMU complémentaire touchait à sa fin. On n'en est plus à un détail près de toutes façons.
Le dernier jour donc, j'ai pour la énième fois dû subir les propos infects de mon voisin de table, qui insultait tout le monde par derrière et tenait un discours dégueulasse, particulièrement destiné aux femmes. Je lui ai dit calmement que je ne pouvais plus accepter ses propos. Il m'a aussitôt pris à la gorge, si fort que j'ai eu mal pendant deux mois. Personne ne lui a rien reproché ; moi j'ai eu droit à une leçon de morale de la part de B.
L'après-midi, une bande d'amis sont venus me voir. Nous parlions tranquillement quand le fameux voisin de table est arrivé, s'est posé derrière nous et a traité ma mère de pute. Je lui ai dit que ma mère était décédée quand j'avais douze ans et que je n'acceptais pas qu'on la traite de cette manière.
« C'était une pute quand même », a-t-il rétorqué.
Là je lui ai sauté dessus, proprement enragé.
On nous a séparé, j'ai été emmené à l'infirmerie et traité d'individu dangereux. B. était là, il a voulu me faire boire un truc. J'ai refusé. « C'est pour retrouver votre calme », a-t-il dit. « J'ai retrouvé mon calme », ai-je répondu, ce qui était vrai.
Ils ont réussi à me faire avaler le truc par le chantage, me disant que si je ne l'avalais pas ils me mettraient dehors.
Aussitôt que je l'ai bu, ils ont confirmé ma sortie, et ce dans les deux heures qui suivaient pendant que le type avec qui je m'étais battu est resté à la clinique sans l'ombre d'un avertissement.
Là je ne sais même plus quoi dire.
Ce qu'ils m'ont fait boire, c'était une camisole chimique. Les effets en sont cauchemardesques, je ne le souhaite même pas à mon pire ennemi. Pendant la première heure on ne sent presque rien, puis insidieusement les bras, les jambes ne répondent plus, jusqu'à ce que le cerveau permette à peine de penser. C'est une cellule sans murs visibles, mais une cellule quand même.
Ils ont mis quelques-unes de mes affaires n'importe-comment dans deux sacs (des dessins auxquels je tenais beaucoup ont été déchirés) et hop, dehors, dans une ambulance qui m'a emmené au Vinatier, le grand hôpital psychiatrique de Lyon.
A mon arrivée on m'a mis dans un pyjama orange et on m'a demandé si je voulais voir un médecin.Je savais que dans l'état où m'avait mis la camisole chimique, on m'internerait direct, j'ai donc demandé un lit, disant que je parlerais à un médecin dès le lendemain matin. Ce qui s'est passé.
J'avais à peu près repris mes esprits quand je suis entré dans le cabinet d'une femme médecin. Après avoir parlé ensemble, elle a conclu que je n'étais ni fou ni un danger pour personne.
Il faut savoir que B. avait signé un papier pour qu'on m'enferme entre quatre murs capitonnés et que seul un juge aurait pu décider de ma sortie, ce qu'on appelle une « hospitalisation d'office ». En quoi avait-il besoin de faire ça puisqu'il se débarrassait de moi ? Je subodore que c'était simplement de la cruauté gratuite. En tout cas, seul un médecin du Vinatier était habilité à contester cette décision, ce que cette soignante a heureusement fait.
Elle m'a dit que je pouvais rester ici pour le week-end, le temps de trouver où je pourrais être hébergé. J'ai dit non merci, il n'était plus question d'entendre parler d'hôpital ou de milieu médical.
J'avais envie de témoigner de cette histoire depuis longtemps sans oser le faire.
A la suite de cette expérience j'ai été fragilisé pendant plusieurs mois, osant à peine sortir de chez moi, la moindre sirène de police ou d'ambulance qui passait me terrorisait (2), pensant que c'était pour moi. Moi le fou, moi l'individu dangereux.
J'étais totalement traumatisé.
Je tiens tout de même à dire que quelques mois plus tard je suis parti en cure de désintox à l'alcool dans un endroit appelé "Château du Boy" en Lozère et que ce fut une magnifique expérience. Quand on met l'humain et son histoire au centre du soin, qu'on l'écoute sincèrement, qu'on est passionné et qu'on a une vraie bienveillance ça roule beaucoup mieux ! Mais les maisons de repos et les hp, pour moi c'est évidemment terminé et je ne veux plus jamais en entendre parler.
Je ne suis certainement pas le seul à avoir vécu une expérience de ce genre. J'ai mis du temps à oser envoyer ce témoignage, mais je ne pouvais pas ne pas le faire sachant que ce préjudice pouvait être causé à d'autres. De plus, je me devais de le faire par respect pour la victime que j'ai été à ce moment-là.
C'est maintenant chose faite et je vous remercie de m'avoir lu.
Ulrich
Notre commentaire
Ce témoignage est frappant et tend à décommander le recours à cette clinique, tout au moins pour toute cure de désintoxication, et tout trouble en général, lorsqu'on connait l'effet dévastateur de l'alcool sur toute thérapie, chimique et/ou psychothérapeutique, a fortiori lorsqu'aucune limite n'est posée par le corps médical : c'est alors un encouragement. Pour le reste, c'est une attitude hélas ordinaire par une clinique business du groupe Ramsay, qui les a toutes rachetées en 2013, et qui défraient nos chroniques dans différentes régions.
Clinique Mon Repos, Ecully, Rhône,
Groupe Ramsay. Les bouteilles vides ont été ramassées pour la photo
Voir le rapport de certification de la HAS - Octobre 2011
Les fonctionnaires de la HAS ne prennent pas la peine, ni le risque, d'inspecter eux même les cliniques et hôpitaux... Un vacataire faisant ce "job d'appoint" peut-il être impartial ?
Le jour où la HAS rendra des rapports sérieux et non complaisants sur les cliniques, un grand changement se produira. Voir également l'écart entre la réalité et le rapport HAS sur la Clinique du Tremblay dans la Nièvre.
(2) Ce "syndrome" de terreur des ambulances et camions de pompier, nous le connaissons trop bien pour le vivre nous même également, au point d'avoir refusé le SAMU lors d'une hémorragie en pleine nuit. Neptune