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Catatonie : définition et traitement, par Pierre Thomas, CHRU de Lille

Par Neptune 

le 29/06/2014 

0 lectures

Catatonie : définition et traitement


Article original publié en janvier 2014. Texte intégral.

Par :

Pierre Thomas, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, médecine légale et médecine en milieu pénitentiaire, CHRU de Lille

Déclare ne pas avoir de conflit d'intérêt en lien avec le texte publié.


Notre avis


Cet article est publié dans le dernier manuel de référence des troubles bipolaires en langue française (ci-contre).

La catatonie est l'état d'aggravation ultime d'une dépression, d'un état maniaque, d'une schizophrénie, d'un trouble psychotique ou d'autres maladies somatiques. Elle concerne environ 10 % des personnes hospitalisées en psychiatrie, peut être guérie mais peut aussi conduire à la mort.  

Encore une fois, les antipsychotiques (les anciens comme les "atypiques") sont sur la sellette : ils tendent à aggraver cet état. La partie "traitement" est donc fondamentale, il faut la connaître. L'article de P. Thomas semble indiquer que ce n'est toujours le cas.

Nous avons modifié le titre original de l'article, qui était "Catatonie et troubles bipolaires" car ce qui est décrit concerne toutes les maladies pouvant conduire à l'état catatonique.

Introduction




Karl Ludwig Kahlbaum fut le premier à décrire la catatonie comme une entité autonome évoluant en quatre phases qui soulignent la continuité entre l'humeur et la motricité. Si la première phase dite de mélancolie simple passe souvent inaperçue, la phase de mélancolie avec frénésie voire extase pathétique peut parfois être accompagnée de crises convulsives. La phase de mélancolie figée (attonita) correspond au noyau du phénomène catatonique, caractérisée par la flexibilité cireuse, la catalepsie, la conservation des attitudes, le négativisme, le mutisme, les stéréotypies et le regard fixe.

Enfin la phase terminale peut se présenter sous deux formes : une confusion-"stupidité" ou la guérison. K. Kahlbaum avait insisté sur la notion de guérison, même après une longue durée.

Notes et références


Les notes (a) (b) (c) etc. sont de Neptune : les autres (1)(2) etc. sont de l'auteur P. Thomas

Un malentendu historique




"Il est désormais admis que la catatonie est un trouble curable dès lors qu'il est reconnu"


L'évolution vers la guérison a malheureusement trop vite été oubliée. En effet, à la fin du XIXe siècle, Emil Kraepelin attribue à la catatonie un pronostic d'incurabilité en la reléguant à une forme de démence précoce (a), à tel point qu'une guérison inattendue signait l'erreur de diagnostic. Il considérait la catatonie comme une forme motrice de démence précoce, occultant la dimension affective qui avait été mise en avant par K. Kahlbaum. La position d'E. Kraepelin fut entérinée quelques années plus tard par Bleuler qui, lui aussi, limitait la catatonie à une forme clinique de schizophrénie. Pendant la majeure partie du XX' siècle, la perspective kraepelinienne a largement dominé les systèmes diagnostiques, la catatonie étant assimilée à la seule schizophrénie catatonique (295,2 dans les DSM - III et DSM-IIIR, et F20.2x dans la CIM-9) avec un impact considérable non seulement sur l'approche diagnostique, mais aussi sur les pratiques thérapeutiques.

Ce sont les psychiatres américains qui ont commencé à contester le lien systématique entre catatonie et schizophrénie. Grâce à la collecte d'observations cliniques et à l'utilisation systématique d'instruments de dépistage et d'évaluation quantitative, ils ont démontré que les syndromes catatoniques pouvaient être associés à d'autres troubles psychiatriques, notamment aux troubles de l'humeur, ainsi qu'à des affections somatiques variées (10, 18, 30). Ces résultats ont contribué à faire émerger une autonomie nosographique de la catatonie dans le DSM - IV en 1994.

"Trop de patients catatoniques reçoivent, à tort, le diagnostic de psychose aiguë et sont encore traités de façon inadéquate avec des antipsychotiques" (b)


De nombreux travaux ont alors été réalisés sur la catatonie, ses caractéristiques, son diagnostic, son incidence, sa physiopathologie et son traitement. Comme l'avait évoqué K. Kahlbaum, il est désormais admis que la catatonie est un trouble curable dès lors qu'il est reconnu. En effet, à ce jour de nombreux travaux ont démontré l'efficacité des traitements par benzodiazépines et de l'électroconvulsivothérapie (ECT). Mais pour M . Fink (16), on ne l'identifie que trop rarement et trop de patients catatoniques reçoivent, à tort, le diagnostic de psychose aiguë et sont encore traités de façon inadéquate avec des antipsychotiques.

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(a) La "démence précoce" désignait avant 1911 ce qui est appelé depuis "schizophrénie" (schisme/dualité du cerveau). Ces deux termes sont tout aussi inadéquats l'un que l'autre.

(10) CARROLL B T , ICENNEDY JC, GOFORTH H W . Catatonie signs in médical and psychiatrie catatonias, CNS spectrums, 2000, 5 : 66-69.

(18) GELENBERG AJ. The catatonie syndrome. Lancet, 1976, 2 : 1339-1341.

(30) PATAKI J, ZERVAS I M , JANDORF L. Catatonia in a university in-patient service (1985-1990). Convulsive Ther, 1992, S: 163-173



(b) Voir note dossier "L'affaire Florence Edaine, décédée à l'hôpital psychiatrique Roger Prévot de Moisselles"

Données épidémiologiques




Quelques auteurs soutiennent que l'incidence de la catatonie a diminué depuis le début du siècle (24) grâce à l'introduction des neuroleptiques qui auraient changé l'évolution naturelle de la schizophrénie. A la lumière des travaux épidémiologiques menés à partir des années 1980, une autre explication s'est imposée.

En effet, depuis que la catatonie a été reléguée à une forme de schizophrénie, les cliniciens ont considéré les signes de catatonie comme des symptômes évocateurs de schizophrénie. Or la catatonie n'est pas un syndrome rare. Les études de repérage systématique parmi les patients hospitalisés en psychiatrie ont mis en évidence une prévalence de la catatonie de 7 à 13 p. 100 (6, 34). Or, les patients souffrant de schizophrénie ne constituent qu'une minorité (c) et la plupart répondaient aux critères de troubles affectifs ou présentaient une affection médicale.

La catatonie est principalement observée chez de jeunes patients, plus souvent lors des premiers épisodes d'une maladie psychiatrique. Chez les adolescents, la catatonie est considérée comme l'un des syndromes psychiatriques les plus graves. En effet, elle est associée à un risque 60 fois plus élevé de décès prématuré, y compris le suicide, par rapport à la population générale de même sexe et âge. Ce risque accru de décès prématuré est plus élevé que celui mesuré dans la schizophrénie (12).

Qu'est-ce que la catatonie ?




La catatonie est un syndrome psychomoteur pouvant s'exprimer sur un versant stuporeux ou agité.

Il est exceptionnel aujourd'hui, avec les traitements pharmacologiques, d'observer les quatre phases décrites par Kahlbaum Les symptômes les plus fréquemment rencontrés (6) sont :

  • le mutisme,
  • l'immobilité,
  • le regard fixe,
  • le maintien de la position,
  • la stupeur.

Dans la forme stuporeuse, on retrouve parfois une catalepsie, des grimaces, une flexibilité cireuse et des troubles de la déglutition.
La forme agitée (11, 29) est dominée par

  • l'excitation,
  • l'agitation qui a la particularité d'être sans but.

D'autres symptômes traduisant la perte de la volition sont souvent observés (38) :

  • l'ambivalence,
  • le négativisme,
  • l'obéissance automatique,
  • les phénomènes d'imitation, echopraxie, echolalie,
  • les Mitgehen et Gegenhalten (d)
  • ainsi que la réapparition des réflexes archaïques (grasping, bucking et sucking).
  • Les mouvements stéréotypés peuvent être plus ou moins discrets, mouvements de la bouche et des mâchoires des extrémités, de type choréo-athetosiques,
  • les bruits de claquement et de renâclement,
  • le flairage et le grimaçage (nez retroussé),
  • les mouvements oculaires stéréotypés,
  • les haussements d'épaule
  • ou encore les mouvements de bascule.

Plus de quarante phénomènes catatoniques ont été identifiés dans la littérature. Si les tableaux majeurs typiques de stupeur catatonique avec maintien de la position sont facilement identifiables, les formes modérées sans symptôme spectaculaire passent inaperçues et les formes agitées sont souvent assimilées à une agitation psychotique. Le mutisme akinétique ou coma vigil est une forme de catatonie dans laquelle les patients sont aréactifs, maintiennent leurs yeux ouverts et semblent être éveillés. Certaines formes de catatonie peuvent réapparaître périodiquement. Les patients conservent souvent le souvenir du vécu des périodes catatoniques, avec l'impression de ne plus pouvoir commander leur corps. En l'absence de traitement, l'évolution d'un état stuporeux peut être fatal en raison de l'immobilité prolongée pouvant se compliquer de thromboses et d'embolies pulmonaires, d'infections urinaires, et les troubles de la déglutition peuvent occasionner des pneumopathies infectieuses d'inhalation.

La physiopathologie de la catatonie reste inconnue. Kahlbaum avait recherché sans succès une lésion cérébrale sur le modèle de la paralysie générale progressive. Les nouvelles méthodes d'exploration de l'activité cérébrale mettent en évidence des dysfonctionnements cérébraux majeurs mais réversibles avec l'amélioration du trouble. Plusieurs hypothèses neurobiologiques impliquant de façon non exclusive la pharmacodynamique de la dopamine, du GABA et du glutamate ont été formulées (revue in (14)).

Diagnostic et outils d'évaluation


Il n'y a pas à ce jour de consensus sur le nombre de signes et de symptômes nécessaires ou suffisants pour confirmer le diagnostic de catatonie. En effet, le trouble catatonique peut parfois être très discret. Pour confirmer la présence d'une catatonie, G. Bush et al. (7) suggèrent d'identifier les signes majeurs du syndrome catatonique. La présence d'au moins deux signes pendant 24 heures justifie la passation complète d'une échelle mesurant la sévérité du syndrome. Ce type d'évaluation permet surtout de mesurer les changements liés au traitement. Il n'existe pas de test diagnostic de la catatonie. En revanche, il existe des tests thérapeutiques aux benzodiazépines (lorazépam et zolpidem (e)) dont la réponse est considérée comme positive en cas de diminution de 50 % du score à l'évaluation initiale.

Examens complémentaires


Dans 15 à 25 % des cas, la catatonie est associée à une affection générale. Par conséquent, il est indispensable de pratiquer un bilan étiologique chez tout patient présentant un syndrome catatonique afin de rechercher une éventuelle cause neurologique, métabolique ou toxique. Celui-ci comprendra un examen d'imagerie cérébrale, un électro-encéphalogramme (EEG), un bilan biologique sanguin et urinaire. Il sera complété en fonction d'éventuels signes associés.

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(24) MAHENDRA B. Where have all the catatonies gone ? Psychol Med, 1981, : 669-671.

(6) BUSH G, FINK M. , PETRIDES G et al. Catatonia : I . Rating. scale and standardized examination. Acta Psychiatr Scand,
1996,93: 129-136.

(34) ROSEBUSH PI, HILDEBRAND A M , FURLONG BG, MAZUREK M F. Catatonie syndrome in a general psychiatric population : frequency, clinical présentation and response to lorazépam. J Clin Psychiatry, 1990, 51 : 357-362.

(c) Environ 1 % (source: DSM-IV-TR)

(12) CORNIC F, CONSOLI A, TANGUY M L et al. Association of adolescent catatonia with increased mortality and morbidity : évidence from a prospective foUow-up study. Schizophr Res, 2009, 113 : 233-240.

(6) BUSH G , FINK M ., PETRIDES G et al. Catatonia : I . Rating scale and standardized examination. Acta Psychiatr Scand, 1996,93: 129-136.

(11) COTTENCIN O, THOMAS P, VAIVA G et al. A case of agitated catatonia. Pharmacopsychiatry, 1999, 32 : 38-40.

(29) MORRISON JR. Catatonia : retarded and excited types. Arch Gen Psychiatry, 1973, 28 : 39-41.

(38) THOMAS P, COTTENCIN O, RASCLE C, GOUDEMAND M. Contemporary understanding of catatonia in French psychiatry.
Psychiatry Ann, 2006, 3 : 151-159.

(d) Gegenhalten : Résistance aux tentatives de mouvement passif. Il s'agit d'une forme de négativisme actif.
Mitgehen : Il s'agit de la forme extrême de coopération exagérée au mouvement imposé rentrant dans le cadre de la proskinésie. La patient bouge son corps à la moindre pression dans une direction par l'examinateur.

(14) DHOSSCHE DM, STOPPELBEIN L, ROUT U K . Etiopathogenesis of catatonia : generalizations and working hypotheses-J ECT, 2010,26: 253-258.

(7) BUSH G, FINK M, PETRIDES G et al. Catatonia : II . Treatment with lorazépam and electroconvulsive therapy. Acta Psychiatr Scand, 1996, 93: 137-143.

(e) lorazépam: Temesta
zolpidem : Stilnox
diazépam: Valium

Bipolarité et catatonie




Les liens entre la catatonie, la mélancolie, la manie et surtout les états mixtes ont été perçus dès le début de la clinique psychiatrique comme en témoigne la description de manies motrices ou manie choréatique de Wernicke et Kleist (2). Les manies avec symptômes catatoniques ont été initialement décrites par L. Calmeil ( 8 ) en France en 1832 et par Bell (délirions mania) aux Etats-Unis en 1849 où elles continuent à être appelées Bells manias. Les appellations successives, « confusion fébrile » d'Alzheimer en 1897, « confusion aiguë » de Binswanger en 1901, « catatonie létale » de Stauder en 1934, avant l'arrivée de l'ECT, démontrent que les manifestations catatoniques et confusionnelles compliquent le cours évolutif de ces formes de manie. K. Kahlbaum avait décrit une forme de catatonie, la catatonia gravis, correspondant aux formes actuelles de troubles bipolaires avec caractéristiques catatoniques.

Dès 1922, les travaux de Lange avaient mis en évidence plus de signes de catatonie chez des patients présentant une manie mixte (28 %) que chez ceux présentant une manie euphorique (13 %) (1). Depuis, de nombreux travaux ont permis d'identifier le syndrome catatonique chez des patients maniaques ou déprimés (1, 4, 36).

La catatonie est plus fréquemment associée aux troubles affectifs (f) qu'à toute autre pathologie. Dans l'étude pionnière de R. Abrams et M. Taylor (1), 65 % des patients catatoniques étaient des bipolaires en phase maniaque. Par ailleurs, 25 à 37 % des patients maniaques présentent des caractéristiques catatoniques, 60 à 70 % pour les formes mixtes de manie (23). Le DSM-IV (295,93) permet l'identification des catatonies secondaires à une affection médicale et admet la spécification « avec catatonie » dans des troubles d'humeur  et la maladie bipolaire. Des modifications similaires ont été également réalisées dans la CIM-10 (F06.1). Les manies avec catatonie correspondent à une forme plus aiguë et sévère de manie qui se rapproche de l'excitation catatonique (catatonie agitée) et de la fureur catatonique.

Si elles peuvent répondre aux antipsychotiques atypiques et aux stabilisateurs de l'humeur dans les premiers stades, elles peuvent rapidement évoluer vers une forme maligne. La présence de caractéristiques catatoniques semble favoriser la progression de la maladie vers la forme maligne qui signifie l'engagement du pronostic vital à court terme, comme dans la catatonie létale ou catatonie pernicieuse ou encore la catatonie mortelle (25) dans laquelle on retrouve une température élevée, une rigidité, ainsi qu'une hyperactivité ou une stupeur extrême.

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(2) ARTBP (collectif d'études sur le trouble bipolaire). Le tiers-état des troubles bipolaires : manies stuporeuses, catatoniques, formes mixtes et atypiques des épisodes maniacodépressifs. Annal Méd Psychol, 2004, 162 : 215-219

( 8 ) CALMEIL LF. Dictionnaire de médecine : ou répertoire général des sciences médicales considérées sous le rapport
théorique et pratique, 2e éd. Paris, Bechet, 1832.

(1) ABRAMS R, TAYLOR M A , STOLUROW K A . Catatonia and mania : pattems of cérébral dysfunction. Biol Psychiatry,
1979, 14: 111-117.

(4) BRAUNIG P, KRÜGER S, SHUGAR G. Preyalence and clinical significance of catatonie symptoms in mania. Compr Psychiatry, 1998, 39 : 35-46.

(36) TAYLOR MA, ABRAMS R. Catatonia : prevalence and importance in the manie phase of manic-depressive illness. Arch Gen Psychiatry, 1977, 34: 1223-1225.

(f) Ancien terme pour les troubles de l'humeur

(23) KRUGER S, COOKE RG, SPEGG CC, BRAUNIG C. Relevance of the catatonie syndrome to the mixed manie épisode. J Affect Disotd, 2003, 74: 279-285.

(25) MANN SC, CAROFF S N , BLEIER H R . Lethal catatonia. Am J Psychiatry, 1986, 143: 374-1381

Clinique de la manie avec catatonie


Le début est rapide, avec des cycles d'excitation extrême et de stupeur, les idées délirantes de grandeur sont floues car la pensée et le discours sont désorganisés.

L'insomnie est majeure. Il existe parfois une incontinence urinaire et anale. Le comportement paraît sans but, imprévisible, le patient refuse toute alimentation et boisson qui lui sont proposées mais manipule les aliments et « joue » avec les liquides, il peut cependant ingérer des substances non alimentaires. La labilité de l'humeur évoque la forme mixte car l'expression clinique peut varier de la manie furieuse à la mélancolie agitée (22).

Les autres signes de la lignée catatonique doivent être recherchés : succession d'agitation sans but, de stupeur et de cataplexie, de verbigérations et de mutisme avec stéréotypies, négativisme, echolalie et apraxie. La manie avec catatonie est souvent associée à des troubles somatiques variés, parfois c'est elle qui révélera le trouble sous-jacent, notamment dans les formes juvéniles.

Le début souvent brutal justifie une évaluation des diagnostics différentiels ou associés ; traumatisme crânien ; comitialité, trouble métabolique, ainsi que les intoxications ou les sevrages à l'alcool ou aux psychotropes (19). M . Fink et M. Taylor (16) ont proposé des repères diagnostiques opérationnels permettant une identification rapide du diagnostic et une mise en oeuvre rapide du traitement eu égard au pronostic péjoratif de cette affection. En effet, la mortalité liée à la manie avec catatonie reste élevée à cause de la « malignisation ».

La manie avec catatonie peut être maligne ou létale (15). La phase maligne de la manie délirante correspond au « collapsus confusionnel » décrit par E. Kraepelin avec fièvre, hallucination, excitation extrême et confusion. Actuellement, le qualificatif malin fait référence à l'atteinte du système nerveux autonome, se manifestant par une fièvre élevée supérieure à 38 °C, une tachycardie, une hypertension ou encore par l'instabilité de ces paramètres. La forme maligne correspond à l'aggravation du tableau clinique. Dès lors qu'il existe des signes de confusion et de catatonie, le seuil de malignisation peut être franchi rapidement à la faveur de n'importe quel incident (déshydratation, intoxication, blessures, accidents). Il convient d'être vigilant sur l'apparition des signes de malignisation (catatonie) car les indications thérapeutiques diffèrent radicalement une fois le seuil franchi.

Le Syndrome malin des neuroleptiques (SMN), caractérisé par la rigidité musculaire, la fièvre, l'instabilité neurovégétative, la stupeur et l'altération de la conscience, est considéré comme une forme de catatonie maligne, précipitée par l'administration de neuroleptiques (9). Or les patients souffrant de trouble bipolaire sont plus exposés au SMN que ceux souffrants de schizophrénie (17, 32, 34, 40).

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(22) KOUKOPOULOS A , SANI G, KOUKOPOULOS A E et al. Melancholia agitata and mixed depression. Acta Psychiatr Scand, 2007, 433 : 50-57.

(19) GEOFFROY PA, ROLLAND B, COTTENCIN O . Catatonia and alcohol withdrawal : a complex and underestimated
syndrome. Alcohoi Alcohoi, 2012, 47: 288-290.

(16) FINK M , TAYLOR MA. Catatonia : a clinician's guide to diagnosis and treatment. Cambridge, Cambridge University Press, 2003.

(15) FINK M . Dehrious mania. Bipolar Disord, 1999 ,1: 54-60.

(9) CAROFF S N , MANN SC, KECK PE. Spécific treatment of the neuroleptic malignant syndrome. Biol Psychiatry, 1998, 378-381.

(17) FRICCHIONE GL. Neuroleptic catatonia and its relationship to psychogenic catatonia Biol Psychiatry, 1985, 20 : 304-313.

(32) PHILBRICK KL, RUMMANS TA. Malignant catatonia. J Neuropsychiatry CUn Neurosci, 1994, 6: 1-13.

(34) ROSEBUSH PI, HILDEBRAND A M , FURLONG BG, MAZUREK M F . Catatonie syndrome in a general psychiatric population : frequency, clinical présentation and response to lorazépam. J Clin Psychiatry, 1990, 51 : 357-362.

(40) WHITE D A C , ROBINS AH. Catatonia : Harbinger of the neuroleptic malignant syndrome. Br J Psychiatry, 1991,
158: 419-421.

Traitement




Le retard dans la mise en place du traitement expose le patient à des complications somatiques, au risque de iatrogénie (10), ainsi qu'à une expérience psychologique dont les conséquences restent difficiles à évaluer. L'amalgame nosographique entre catatonie et schizophrénie a contribué à une large utilisation des antipsychotiques. Les neuroleptiques de première génération peuvent induire un syndrome catatonique létal (5).

Les barbituriques (28), ainsi que les antiglutamatergiques ont montré leur efficacité. Les benzodiazépines de demi-vie intermédiaire (lorazépam (e) (34, 35, 39) sont à prescrire en première intention avant de recourir si nécessaire à l'ECT (7). Elles offrent une amélioration de la symptomatologie en quelques jours, parfois quelques heures, moyennant une adaptation de la posologie.

Benzodiazépines


G. Bush et al. (7) ont proposé un test thérapeutique au lorazépam de 5 jours par voie orale ou parentérale (1 mg par prise avec un maximum de 8 mg/j) tout en mesurant l'évolution des symptômes à l'aide d'une échelle d'évaluation clinique (BFCRS) (7). Pour un patient présentant un trouble sévère, quelle que soit la pathologie associée, il est recommandé de commencer par l'administration orale de doses élevées, de l'ordre de 8 à 16 mg/j pour le lorazépam, et de 40 à 60 mg/j pour le diazépam (e). L'effet du lorazépam par voie intraveineuse, non disponible en France, est très rapide. L'efficacité du zolpidem, agent agoniste gabaergique connu pour ses propriétés hypnotiques a été rapporté, permettant une résolution rapide de la symptomatologie catatonique. Le zolpidem peut être utilisé comme test thérapeutique à la posologie de 10 mg avec une évaluation de la réponse une heure après la prise (26, 27, 37, 41).

80 % des patients répondent favorablement au traitement d'épreuve par les benzodiazépines dans les 6 jours. Pour les 20 % restants, l'ECT est indiquée.

Électroconvulsivotherapie (g)



L'effet de l'ECT est spectaculaire et remarquablement plus rapide que celui habituellement observé dans les dépressions et les psychoses. L'absence de réponse à l'ECT est exceptionnelle. Il existerait une synergie entre l'ECT et le lorazépam (e) dans le traitement de la catatonie selon G. Petrides et al. (31) qui observent une supériorité de l'association lorazépam et ECT sur chaque traitement proposé seul.

Le maintien de fortes doses de benzodiazépines chez les patients catatoniques risque de compromettre le succès de l'ECT. Dans ce cas, le flumazénil, antagoniste des benzodiazépines, permet de lever l'effet anticonvulsivant des benzodiazépines. Il peut être injecté avant chaque ECT avec les produits de l'anesthésie (3). Il est recommandé de donner 1 à 2 mg de diazépam (e) ou 5 à 10 mg de lorazépam après chaque séance d'ECT pendant laquelle le flumazénil a été employé. N. Pommepuy et D. Januel (33) ont proposé un protocole de traitement de la catatonie en cinq étapes :

  1. arrêt des médicaments suspectés de produire les symptômes ;
  2. recherche et traitement des pathologies sous-jacentes (bilans biologiques, dosages urinaires de toxiques, EEG, imagerie cérébrale) ;
  3. test au lorazépam, 2,5 mg avec évaluation des signes après 1 heure ;
  4. pour les 20 % qui ne répondent pas, recours à l'ECT ;
  5. ECT en première intention en cas de catatonie maligne (présence et / ou d'instabilité autonomique).


Traitement des manies avec catatonie


Jusqu'au milieu du XXe siècle, 80 % des personnes souffrant de manie avec agitation catatonique mourraient en quelques jours par épuisement, coma et collapsus cardiovasculaire (25). Les neuroleptiques de première génération sont inefficaces et dangereux dans les formes malignes (13). Les antipsychotiques atypiques peuvent également aggraver l'évolution.

Si les symptômes s'inscrivent dans une étiologie médicamenteuse ou toxique (par exemple, le syndrome malin des neuroleptiques), l'arrêt de tout antipsychotique s'impose. En l'absence d'évolution, quelques études rétrospectives ont montré l'intérêt des antipsychotiques atypiques et des stabilisateurs de l'humeur (21). Cependant, certains auteurs suggèrent que les benzodiazépines et l'ECT devraient constituer le traitement de première intention d'une manie avec catatonie (20). Dès son introduction, le recours à l'ECT a nettement amélioré le pronostic et a significativement réduit la mortalité.

Le lorazépam à la posologie quotidienne de 6 à 20 mg/j a démontré son efficacité, jusqu'à un certain seuil de malignité où l'ECT devient le recours de premier choix ; en d'autres termes, en présence de signes neurovégétatifs, l'ECT est le traitement de première intention (16). Le protocole recommandé est de deux sessions de douze séances d'ECT (21). Les recommandations varient entre des séances quotidiennes ou tous les deux jours selon la sévérité du trouble, l'amélioration clinique est constatée entre la première et la quatrième séance. Parallèlement, il est essentiel de corriger la fièvre et les désordres hydro-électrolytiques souvent associés au tableau clinique.


Conclusion




La catatonie est un syndrome psychomoteur facilement identifiable chez 5 à 10 % des patients admis dans les services de psychiatrie. Elle peut être traitée favorablement, grâce aux benzodiazépines et à l'électroconvulsivothérapie. Le plus souvent, les signes catatoniques sont observés chez les patients présentant des troubles affectifs, parfois à la faveur d'affections médicales ou toxiques justifiant la réalisation d'examens complémentaires. Les manies catatoniques nécessitent une identification rapide et un traitement adéquat pour prévenir l'évolution maligne.

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(10) CARROLL B T , ICENNEDY JC, GOFORTH H W . Catatonie signs in médical and psychiatric catatonias, CNS spectrums, 2000, 5 : 66-69.

(5) BLUMER D . Catatonia and the neuroleptic : psychobiologic signifiance of remote and récent findings. Compr Psychiatry, 1997, 5 S : 193-201.

(28) MCCALL W V , SHELP FE, MCDONALD W M . Controlled investigation of the amobarbital interview for catatonie mutism. Am J Psychiatry, 1992, 149 : 202-206.

(34) ROSEBUSH PI, HILDEBRAND A M , FURLONG BG, MAZUREK M F . Catatonie syndrome in a general psychiatric population : frequency, clinical présentation and response to lorazépam. J Clin Psychiatry, 1990, 51 : 357-362.

(35) SALAM SA, PILLAI AK, BERESFORD T P . Lorazépam for psychogenic catatonia. Am J Psychiatry, 1987, 144 : 1082-1083.

(39) UNGVARI GS, LEUNG CM, WONG M K , LAU J. Benzodiazépines in the treatment of catatonie syndrome. Acta Psychiatr Scand, 1994, 89 : 285-288.

(7) BUSH G, FINK M , PETRIDES G et al. Catatonia : II . Treatment with lorazépam and electroconvulsive therapy. Acta Psychiatr Scand, 1996, 93: 137-143.

(26) MASTAIN B, VAIVA G, GUEROUAOU D et al. Effet favorable du zolpidem sur un état  atatonique. Rev Neurologique, 1995, / : 52-56.

(27) MASTAIN B, RASCLE C, THOMAS P, GOUDEMAND M . Zolpidem in catatonie syndrome : from pharmacological test
to a pathophysiological hypothesis. Mov disord, 1998, 13 : 46.

(37) THOMAS P, RASCLE C, MASTAIN B et al. Test for catatonia with zolpidem. Lancet, 1997, 369 : 702.

(41) ZAW Z F , BÂTES G D . Replication of zolpidem test for catatonia in an adolescent. Lancet, 1997, 349 : 1914.

(g) Voir notre article Électroconvulsivothérapie ou sismothérapie ou électrochocs : notre enquête
Inventaire des réelles incidences d'effets secondaires, de la législation, comparaisons internationales, mécanisme, efficacité, effets secondaires.

(31) PETRIDES G , DIVADEENAM K, BUSH G et al. Synergism of lorazépam and ECT in the treatment of catatonia. Biol Psychiatry, 1997, 42 : 375-381.

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