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Islande : la contention mécanique abolie en psychiatrie

Par Neptune 

le 12/03/2016 

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Islande : la contention mécanique abolie en psychiatrie


Les psychiatres islandais, et les islandais de manière générale, écrivent peu sur eux. L'histoire s'écrit sans discours dans ce pays. Créée par des réfugiés, l'Islande a su bâtir une société originale et prospère, qui n'a rien à envier à nos grandes nations occidentales, loin s'en faut. Nous avons dû accepter de ne pas disposer de milliers de pages de littérature pour écrire cet article. Seuls les actes comptent, après tout.


IslandeVue de Reyjkavik, Islande


Thórdur Sveinsson Islande : la contention mécanique abolie en psychiatrie
Thórdur Sveinsson

Islande : la contention mécanique abolie en psychiatrie - Helgi Tómasson
Helgi Tómasson

Brève histoire de la psychiatrie en Islande


La psychiatrie hospitalière a commencé en Islande avec la construction de l’hôpital de Kleppur, près de la capitale Rejkavik , en 1907, soit environ 150 ans après les autres pays occidentaux et leurs premiers « asiles ». Avant les asiles, il n’y avait pas de « traitement médical » des personnes en souffrance mentale, en Islande comme ailleurs. Dans la plupart des lieux occidentaux de l’époque pré-asilaire, les « maisons de force » ont précédé les asiles.

L’évolution de l’asile (« lieu d’accueil charitable ») vers la psychiatrie (étymologiquement, « soin du psychisme »), n’a pas été la même en Islande que dans le reste de l’occident. Deux médecins eurent une influence considérable en Islande, aboutissant à une pratique très différente de celle du reste du monde occidental - y compris les autres pays nordiques souvent cités en exemple.


  • Dr Thórdur Sveinsson s’est rendu célèbre pour ses recherches sur l’hydrothérapie.
  • Dr Helgi Tómasson, qui a, entre autres, développé une méthode de prise en charge de tout trouble mental sans contention mécanique, y compris dans les pires situations, qui existent en Islande comme ailleurs.

Les pratiques inspirées par Helgi Tómasson et imposées dans le principal hôpital, sont à l'origine de l'abolition officielle de la contention en psychiatrie, dès la fin des années 50, en Islande. Il a également banni la lobotomie et les électrochocs, qui n’ont également jamais été pratiqués.

La méthode


En Islande, les médecins et infirmiers ne font jamais usage de la force, ils n’en ont pas le droit. Les islandais étant des hommes et des femmes comme les autres, il arrive, comme partout, qu’une personne en crise soit très violente. Les infirmiers sont organisés pour appeler des renforts, et en cas de besoin (personne armée, etc.) les médecins font appel aux renforts policiers qui, seuls, sont autorisés à faire l’usage de la contrainte, en tenant la personne pendant une intervention de courte durée.

« Sur le fait d’appeler des officiers de police dans les lieux de soin « pour aider les soignants à contenir un patient », il faut souligner que ceci arrive une fois ou deux par an en moyenne. A titre de comparaison, l’accueil des urgences de l’Hôpital Landspitali est surveillé par un officier de police chaque soir et les weekends.
Il faut aussi noter que l’Islande est un pays sans armée, et la police n’y est pas armée. L’opinion de la population et sa confiance dans la police est à plus de 80% positive, encore plus que dans les services d’urgences médicales.  La contention mécanique est catégoriquement non utilisée dans les établissements psychiatriques, et ceci repose sur des équipes soignantes spécialement formées à l’apaisement et la désescalade des situations. Si les méthodes « contrôle et maîtrise » ne suffisent pas, ou si il se trouve qu’un patient est armé, il n’y a que deux options : faire venir d’autres  infirmiers ou appeler la police, mieux entraînés à traiter avec la violence autant qu’à désarmer une personne.
Une volonté claire d’offrir aux patients et aux soignants la même sécurité que le reste de la population qui face à la violence doit appeler la police face à une situation qui devient incontrôlable. »


Dr Pall Matthiasson (1)


recours aux soins sans consentement - comparatif
Taux de soins sans consentement en psychiatrie. La France se situe à 11%.


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Pall Matthiasson

(1) Dr Pall Matthiasson, Directeur de l'Hôpital Landspitali, Reykjavik, in  « Response of the Icelandic Authorities to the Report of the European Committee for the Prevention of Torture on the Visit to Iceland from 18 to 24 September 2012 ». Traduction : Neptune


Landspitali
Landspitali, principal hôpital d'Islande

Peut-on comparer l'Islande et la France ?



IslandeFrance
Nombre d'habitants329 00066 000 000
Densité en h/km23,2099
PIB par habitant44 313 €38 800 €
Espérance de vie83 ans82 ans
Dépense de santé totale (par habitant)3 751 €4 421 €
Dépense de santé de l'état (par habitant)3 254 €3 471 €
Dépense en éducation3 352 €2 192 €
Dépense militaire10 €855 €
Nombre de médecins pour 1000 habitants3,753,2
Nombre d'infirmiers " "15,39,3
Nombre de nuits en hôpital / habitant0,81,85
Système public / privéentièrement publicpublic / privé

Chiffres 2014, sources officielles

L'Islande et la France ont une richesse par habitant comparable. L'Islande dépense sensiblement moins dans la santé, et pourtant l'espérance de vie y est plus importante. En dépensant moins, en hospitalisant deux fois moins, l'Islande soigne mieux, avec plus de médecins, mais surtout plus de personnel soignant.

Les dépenses de santé plus importantes en France,
  • ne s'expliquent donc pas par le nombre de salariés,
  • ni par des salaires plus importants,
  • ni par des soins plus efficaces...

Les tenants de la contention en France, nous expliquent dans de longues thèses (2) que la contention mécanique est néfaste mais reste thérapeutique (!), ou qu'on ne peut pas faire autrement faute de moyens. Lorsqu'ils citent l'Islande exceptionnellement (3), c'est pour l'écarter immédiatement du champs de l'étude, au motif que "la situation n'est pas comparable car en Islande il y a 1 infirmier pour 1 patient".

C'est faux, et les chiffres à eux seuls le démontrent : le rapport 15 sur 9 permet dans le meilleur des cas d'avoir en Islande environ un infirmier pour 5 patients, y compris en psychiatrie. Le nombre plus important permet qu'il y ait plus de patients à domicile, et le personnel passe plus de temps sur les routes. Dans les services psychiatriques, ce n'est que pendant les premières 24h d'hospitalisation qu'il y a un soignant à temps complet aux côtés de la personne en souffrance, car cela fait partie de la règle adoptée et mise en place par Helgi Tómasson. En France, le malheureux voit défiler les têtes dans la précipitation et l'agitation.

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(2) (3) Thèse de médecine de Raphaël CARRE à Toulouse, septembre 2014, sur la contention mécanique en psychiatrie
La dernière en date : 360 pages pour rééditer le discours répété depuis 30 ans. Malgré les témoignages accablants qu'il recueille, il justifie l'injustifiable avec le discours bien pensant sur la "contention humaine et thérapeutique". Cité en boucle par les responsables assez mal à l'aise sur la question, il redonne donc, de facto, une nouvelle caution de 30 ans à cette pratique barbare et iatrogène.

Sur l'Islande, une ligne : "En Islande, les mesures de contrainte sont proscrites, que cela soit l’isolement ou la contention physique. Cette exception peut être expliquée par un rapport plus élevé de soignant par patient : un soignant pour un patient". Puis on passe aux autres pays.


Les 7 clés


Selon l’étude de Pall Matthiasson (4)(5), les 7 éléments clé pour l’abolition effective de la contention mécanique en psychiatrie sont :

    1. Un changement de politique, un leadership volontaire, avec implication locale, générale et politique.

    2. Un audit externe avec débriefing.

    3. L’utilisation de données : le retour chiffré favorise l’apprentissage et l’émulation entre les équipes.

    4. La formation :
    • développement des compétences en désescalade / gestion de crise / formation en situation,
    • formation des décideurs clé : changer les attitudes en brisant les mythes.

    5. L’implication des usagers, des familles.

    6. L’augmentation du nombre de personnes des équipes de crise.

    7. Des changements programmatiques :
    • intervention précoce,
    • approche moins restrictive de la notion de contrainte,
    • modification de l’environnement,
    • augmentation des activités.


Conclusion


  • Vous êtes responsable de santé, directeur, chef de service en psychiatrie :
    Voici des éléments précis pour vous encourager à faire cesser cette barbarie dans votre hôpital, comme l'on fait deux autres établissements accueillant des "patients difficiles" en France. Les discours de légitimation de la contention mécanique sont proportionnellement aussi longs que la gêne et la honte que vous ressentez à pratiquer ces méthodes d'un autre âge, qui détruisent le lien thérapeutique et ne soignent pas. Cet anachronisme est évitable. Vous pouvez et devez agir maintenant.

  • Vous êtes citoyen et concerné, et comme beaucoup, vous découvrez qu'une autre psychiatrie est possible :
    Vous n'êtes pas le(la) seul(e), car aucun média généraliste ni spécialisé n'a encore parlé de l'Islande et de son modèle psychiatrique transposable en France. Les institutions et le système psychiatrique taisent cette exception qu'ils ne peuvent ignorer. Partagez cet article sur les réseaux sociaux, réagissez et faites nous part de vos témoignages.

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Coucher du soleil dans le nord de l'islande. Photo James Appleton/Barcroft

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