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Aggravation à long terme des dépressions suite à l'utilisation d'antidépresseurs

Par Neptune 

le 04/10/2018 

0 lectures


Aggravation à long terme des dépressions suite à l'utilisation d'antidépresseurs


Une nouvelle étude démontre que l'utilisation d'antidépresseurs est néfaste à long terme, à commencer par les symptômes dépressifs eux-mêmes.

Texte original : Antidepressant Use Leads to Worse Long Term Outcomes, Study Finds, Peter Simons, Avril 2018.
Traduction : Neptune.


Introduction


Une nouvelle étude de Michael P. Hengartner, Jules Angst et Wulf Rossler (1) a démontré que les personnes ayant pris des antidépresseurs étaient plus susceptibles de présenter des symptômes dépressifs aggravés 30 ans plus tard. Ce, indépendamment de la gravité de la dépression initiale et de quantité d'autres facteurs potentiellement perturbants.

Les auteurs, de l'Université des Sciences Appliquées de Zurich et de l'Université de Zurich, ont publié leurs résultats dans la revue "Psychothérapy and Psychosomatics". L'étude a suivi 591 adultes suisses depuis l'âge de 20/21 ans jusqu'à l'âge de 49/50 ans. L'utilisation d'antidépresseurs lors de cette période est associée à des symptômes dépressifs plus importants au terme de cette période – y compris en prenant en compte les symptômes initiaux et d'autres facteurs.

"Ces résultats sont cohérents avec un corpus grandissant de résultats issus de plusieurs études observationnelles, qui suggèrent que l'utilisation (à long terme) d'antidépresseurs peut produire un mauvais résultat à long terme sur les personnes dépressives" écrit Hengartner.

Ce que l'on savait avant cette étude


Les preuves que les antidépresseurs aggravent les résultats à long terme viennent essentiellement des études basées sur les résultats dans la population générale (ndt : real-world outcomes). Par exemple, une étude sur un an dans un échantillon de la population générale (2) montra que seulement 5% bénéficiaient d'une "rémission durable", ce qui est très inférieur au taux de rémission que l'on trouve habituellement dans les études sur les patients dépressifs non traités.
De même, dans la grande étude STAR*D, seulement 108 (3%) des 4041 patients participant à l'étude s'étaient remis et continuaient d'aller bien pendant la période de suivi d'un an (3). Tous les autres ne s'étaient pas rétablis ou abandonnèrent l'étude.  
Une autre étude publiée l'an dernier et portant sur des patients en population générale (4) montra que l'usage des antidépresseurs était associé à de mauvais résultats après 9 ans.

L'hypothèse explicative principale des raisons pour lesquelles les antidépresseurs pourraient aggraver la dépression est la sensibilisation des récepteurs : le principe est que l'utilisation prolongée modifie la manière dont agissent les neurorécepteurs, rendant la médication inefficace, et rendant aussi les personnes plus susceptibles de connaître une dépression aggravée (5) (6).

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Ce qu'apporte cette étude


Cette nouvelle contribution à la littérature montre les résultats de 591 adultes pris au hasard dans la communauté. Les participants furent évalués par des psychiatres et psychologues formés au préalable à un entretien semi structuré. L'évaluation commença en 1979 (évaluation de l'état initial) alors que les participants avaient tous 20 à 21 ans. Les évaluations furent faites à nouveau en 1981, 1986, 1988, 1993, 1999 et finalement en 2008, les participants ayant alors 49 à 50 ans.

A chaque évaluation, la mesure principale était la sévérité des symptômes dépressifs au cours de l'année écoulée. De plus, les participants indiquaient si on leur avait prescrit des antidépresseurs au cours de l'année écoulée.

Dans le but de créer un modèle prédictif, les auteurs cherchèrent si le fait de s'être fait prescrire des antidépresseurs lors d'une évaluation (par exemple, 1988) augmentait l'apparition de symptômes dépressifs plus sévères lors de l'évaluation suivante (dans cet exemple, 1993). Les auteurs divisèrent les participants en plusieurs groupes :
    0. aucun symptôme dépressif
    1. quelques symptômes dépressifs ne persistant pas plus de deux semaines
    2. dépression "sub-syndromique", c'est-à-dire en dessous des critères diagnostiques
    3. dépression majeure caractérisée par les critères du Manuel Diagnostique et Statistique (DSM).  

En moyenne, 6% de ceux ayant quelques symptômes avaient pris des antidépresseurs avant l'évaluation, 7% de ceux ayant des symptômes subsyndromiques avaient pris des antidépresseurs, et 22% de ceux ayant une dépression majeure prenaient des antidépresseurs.

Après avoir pondéré de nombreux facteurs dont le sexe, le niveau d'éducation, le statut marital, la présence de trouble affectif au départ, la suicidalité au départ, l'histoire familiale de dépression, la détresse subjective, l'enfance difficile, les faibles revenus des parents, les chercheurs ont établi que les antidépresseurs étaient à eux seuls associés à un risque indépendant des autres facteurs, de 81 % d'augmentation de la sévérité de la dépression. Par exemple, cela signifie que les personnes qui avaient une dépression "subsyndromique" et prenaient un antidépresseur étaient pour 81% d'entre elles plus susceptibles de la voir évoluer en trouble dépressif majeur que ceux qui avaient une dépression "subsyndromique" mais ne prenaient pas d'antidépresseur (tableau 1).

Tableau 1
Relation prospective entre antidépresseur et sévérité consécutive de la dépression suivant 7 vagues d'évaluation entre l'âge de 20/21 et de 49/50. L'odd-ratio (OR) se réfère à une élévation d'un point au moins dans la sévérité, notée 0) sans symptômes 1) avec symptômes 2) dépression sub syndromique 3) dépression majeure.


Dans le modèle 1 nous relevons l'association non ajustée des deux variables (antidépresseur / sévérité consécutive). Dans le modèle 2 nous ajustons suivant les facteurs socio-démographiques. Dans le modèle 3 nous ajustons de plus suivant les variables de dépression sévère au départ et d'histoire familiale de dépression. Pour éviter d'autres possibles confusions  par indication, dans le modèle 4 nous ajustons de plus suivant les variables de trouble affectif au départ et de suicidalité sévère au départ. L'ajout de co-variables, comme la détresse subjective, l'enfance difficile ou les bas revenus parentaux, n'a pas modifié l'effet prospectif de l'utilisation d'antidépresseur sur la sévérité subséquente de la dépression (2)

Limites


Du fait que les chercheurs de cette étude ne pouvaient pas répartir au hasard les personnes avec ou sans antidépresseur, les conclusions de causalité sont limitées. Il y a toujours la possibilité que quelque autre facteur puisse être responsable des effets négatifs à long terme trouvés par les chercheurs. Par exemple des traits partagés par les personnes qui demandaient la médication pouvant conduire à de mauvais résultats (ndlr : effet "nocebo"). Toutefois, lorsque les chercheurs contrôlaient les facteurs de risque habituels, comme le niveau de sévérité de la dépression, la détresse subjective, les symptômes au départ, les caractéristiques démographiques (sexe, niveau d'éducation etc.) et même l'enfance difficile, ils trouvaient encore que l'usage des antidépresseurs était associé à un résultat aggravé à long terme.

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Dernière édition par Neptune le 26/3/2019, 17:16, édité 4 fois

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Une confirmation venue du Canada


Le Pr Guy Chouinard (8) ne peut pas vraiment être qualifié d’antipsychiatre ou d’anticonformiste : il a été pour le Canada, depuis 1980, le promoteur principal des antipsychotiques de seconde génération, et des antidépresseurs depuis le Prozac jusqu’aux derniers ISRNa, en passant par le bupropion et autres produits originaux non autorisés.

Toutefois il confirme la théorie de la « tolérance oppositionnelle » de Fava (8b), qu’il cite à multiples reprises dans un long article qu’il publie avec F. Cosci dans  la revue « Neurobiology of Depression » de janvier 2019 (9).

Il adopte la nosologie émergente sur trois phénomènes consécutifs à la prise d’antidépresseurs sur le long terme :

  • Les symptômes de sevrage, « new withdrawal symptôms », apparaissant spécifiquement à l’arrêt ou à la réduction des doses, et réversibles.
  • Les symptômes de rebond, « rebound symptoms », définis par la réapparition aggravée des symptômes qui précédaient la prise d’antidépresseurs, généralement réversibles.
  • Les troubles post-sevrage persistants, « persistent postwithdrawal disorder » parfois non réversibles, qui s’installent lors du sevrage et pour une longue durée, et que les personnes ne connaissaient pas avant la prise d’antidépresseurs.

Sa conclusion est sans appel :

« On doit reconsidérer les traitements par antidépresseurs à la lumière de la littérature.

Premièrement, il est clair que leur effet est non immédiat et modeste, comme suggéré par l’étude STAR*D (Sequenced Treatment Alternatives to Relieve Depression) et les recherches qui ont suivi (10).

Il est également clair que leur efficacité est moindre pour la dépression récurrente et dans la prévention des rechutes.

De plus, les antidépresseurs, en particulier les ISRS et les IRSNa, induisent souvent des symptômes de sevrage lors de leur arrêt ou de leur diminution. Les résultats défavorables à long terme et les effets paradoxaux, comme le fait d’induire la dépression et d’aggraver les symptômes, ont été observés et expliqués par le modèle de la tolérance oppositionnelle.

Enfin, les antidépresseurs peuvent provoquer des effets secondaires gênants ou persistants (p.ex. les effets secondaires sexuels persistants). Ils peuvent augmenter le risque de survenue d’une maladie somatique (p.ex. : cancer des poumons, accident cardiovasculaire) ; leur utilisation à long terme peut renforcer la vulnérabilité à la dépression et aggraver les résultats à long terme et l’expression symptomatique, en diminuant à la fois la probabilité d’une réponse à un traitement pharmacologique, et la durée des périodes asymptomatiques.

Dans ce contexte, un usage rationnel des antidépresseurs est vivement encouragé en gardant à l’esprit le principe « Primum non nocere » (11) du serment d’Hippocrate.

Le problème principal des ISRSs et IRSNa administrés comme médicaments antidépresseurs, anti-panique, anti-TOC et anti-anxiété est leur usage à long terme. L’évaluation de leur efficacité à long terme est actuellement erronée (12), car basée sur le concept d’interruption (« discontinuation concept »). Cette conception confond les effets thérapeutiques et les syndromes de sevrage. Du fait que ces médicaments peuvent induire l’apparition de maladies, incluant celles contre lesquelles ils ont été approuvés, prescrits et efficaces, ils ne devraient pas être utilisés à long terme (i.e. plus de 2 ans) sans s’accompagner de psychothérapie et pharmacothérapie intégrées.

Ceci signifie que les antidépresseurs peuvent encore être le traitement de première intention pour des troubles psychiatriques aigus et pour lesquels ils ont démontré une supériorité sur toute autre intervention pharmacologique ou non pharmacologique, mais qu’ils ne devraient pas être proposés pour le traitement à long terme (i.e. plus de 2 ans même à dose réduite). Au cas où le patient a besoin d’une aide à long terme, des approches pharmacologiques (p.ex., thymorégulateurs, de préférence la lamotrigine et d’autres anticonvulsivants, des petites doses d’antipsychotiques, ou du clonazepam à petite dose), ou des approches non médicamenteuses (p.ex. la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie du bien-être) ayant prouvé leur efficacité, ou encore une combinaison des deux, devra être préférée. »


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Guy Chouinard
(8) Pr Guy Chouinard, Université Mc Gill de Montreal, Clinical Pharmacology and Toxicology Program, Mental Health Institue of Montreal, Centre de recherche Fernand Seguin, Montreal.

(8b) Article : Dépression chronique induite par les antidépresseurs, ou "dysphorie tardive"

(9) Article : The Monoamine Hypothesis of Depression Revisited: Could It Mechanistically Novel Antidepressant Strategies ?, G. Chouinard, F. Cosci, Neurobiology of Depression, 01 2019

(10) Étude : Efficacy and effectiveness of Antidepressants : Current Status of Research, H. Pigott & al., University of Washington, 2009

(11) Primum non nocere : d'abord, ne pas nuire

(12) En effet, les multiples démonstrations faites par les laboratoires pharmaceutiques sur un rôle préventif anti-rechutes des antidépresseurs, et reprises sans regard critique par les psychiatres conventionnels (13), ont toutes mis en oeuvre la méthodologie suivante : mesurer les effets d'un remplacement brutal de l'antidépresseur à 6 mois par un placebo, et comparer le taux de "rechute" à celui des personnes restant sous antidépresseur. Cette méthode est doublement biaisée, car d'une part elle passe sous silence le très bon score des personnes qui prenaient un placebo dès le début (moins de rechute après rémission que sous antidépresseur), et d'autre part parce que, comme le souligne G. Chouinard, elle mesure non pas l'effet antidépresseur, mais l'effet de rebond et de sevrage. Par analogie, on pourrait tout aussi bien déclarer qu'une personne alcoolique ne devrait pas cesser de boire, au vu des effets sévères d'une interruption brusque de sa consommation.


(13) Article : Les antidépresseurs sont-ils efficaces contre la dépression ?"

Neptune

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