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Traumatisme du viol et de l'abus sexuel - par Muriel Salmona - psychiatre, victimologue

Par Invité 

le 29/10/2013 

0 lectures

Suite à un abus, une agression, un viol, la "mémoire traumatique" laisse des marques profondes.

Le DSM-IV décrit les symptômes sans approfondir le cas des violences sexuelles : Etat de stress aiguet, pour le traumatisme à long terme,  Etat de stress post-traumatique.

Ses effets sont parfois paradoxaux et déroutants.

Il est nécessaire de les comprendre pour s'aider soi-même, pour aider un proche à s'en sortir. C'est la première étape indispensable.

Les deux articles de Muriel Salmona sont un condensé de ce qu'il faut savoir avant de passer à la suite : la thérapie, la réparation, l'action préventive.    




Muriel Salmona - Neptune
Muriel Salmona
Mémoire Traumatique et Victimologie

Dr Muriel Salmona
Psychiatre-psychothérapeute
Médecin-coordinateur de Victimo
Responsable de l'Antenne 92 de l'Institut de Victimologie

Psychiatre spécialisée dans la prise en charge des victimes, formatrice et chercheuse en psychotraumatologie, présidente de l’association d'information, de formation et de recherche "Mémoire Traumatique et Victimologie".
Créatrice du site memoiretraumatique.org (ci contre), et auteure de nombreux articles et de Le livre noir des violences sexuelles chez Dunod paru en 2013 .

Son blog: http://stopauxviolences.blogspot.com/

Abus et violences sexuelles : autres articles
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I. Violences sexuelles et situations paradoxales de dépendance à l'agresseur


Liées à la mémoire traumatique, la dissociation et aux conduites dissociantes.

Fevrier 2008 - Source : mémoiretraumatique.org

Les traumatismes liés à des violences sexuelles, particulièrement s'ils débutent pendant l'enfance, l'adolescence ou sur une personne en situation de vulnérabilité et/ou s'ils ont été commis par des adultes ayant autorité ou censés les protéger, créent du fait du stress extrême généré par la première agression, une mémoire traumatique* (avec circuit de peur conditionnée) responsable de conduites paradoxales de dépendance à l'agresseur, de conduites à risque et de mises en danger.

Ces conduites paradoxales sont en fait des conduites dissociantes qui s'imposent de façon incompréhensible et incontrôlable à la victime pour échapper à une angoisse et une détresse intolérable, et qui permettent de la soulager en créant un état dissociatif avec anesthésie affective et sensitive, dépersonnalisation et état de conscience altérée.

Il s'agit de mécanismes neuro-biologiques exceptionnels de sauvegarde, qui se mettent en place lors de la première agression.

Le caractère transgressif, totalement imprévu, incongru, inconcevable, incompréhensible, terrorisant d'une agression sexuelle pour un enfant, un adolescent, une personne en situation de vulnérabilité venant de la part d'un adulte sensé être un exemple et le protéger génère une forte réponse émotionnelle (par l'intermédiaire du système limbique : ensemble des structures cérébrales, la principale étant l'amygdale cérébrale) responsable d'un stress extrême avec sécrétion d'adrénaline et de cortisol à des doses qui deviennent rapidement toxiques pour le système cardio-vasculaire et le cerveau, représentant un risque vital pour l'organisme  (cf DSM-IV "Etat de Stress Aigü").

Pour y échapper, le cerveau (comme lors d'un survoltage dans un circuit électrique) va faire disjoncter le circuit limbique responsable du stress et isoler l'amygdale cérébrale, ce qui va avoir pour effet d'éteindre la réponse émotionnelle, faire chuter les taux d'adrénaline et de cortisol et donc de supprimer le risque vital, mais aussi :

  • de déconnecter les fibres qui informent le cortex des émotions (le cortex ne pourra pas traiter l'évènement), entraînant une anesthésie affective et une dissociation (état de conscience altérée),

  • de déconnecter les fibres qui permettent la transformation de la mémoire émotionnelle amygdalienne non consciente en mémoire consciente autobiographique, entraînant des troubles de la mémoire :

    • amnésie partielle ou complète du traumatisme
    • et mémoire traumatique : mémoire émotionnelle qui reste piégée, hypersensible, immuable, l'intensité des affects restant intacte et qui peut "s'allumer" lors de situations, d'affects, de sensations sensorielles rappelant l'évènement traumatique, recréant alors la détresse, l'angoisse et la panique initiales.

  • Cette déconnexion de l'amygdale se fait grâce à des drogues endogènes "dures" qui sont sécrétées par le cerveau : endorphines (avec effet morphine-like), antagonistes des récepteurs de la NMéthyl-D-Aspartate (avec effet kétamine-like), ce sont elles qui vont stopper le risque vital physique et psychique au prix d'un état dissociatif, d'une anesthésie affective et d'une mémoire traumatique, cette dernière étant une véritable bombe à retardement susceptible de se "rallumer" au moindre lien fait consciemment ou inconsciemment avec l'événement traumatique (en totalité ou en partie), générant alors le même état de détresse et de panique que lors du traumatisme.



Pour échapper à ce risque de rallumage et donc à ces crises d'angoisse et de panique intolérables et le plus souvent totalement incompréhensibles et impossibles à calmer, il faudrait éviter toute nouvelle situation de violence ou toute situation susceptible de rappeler ou de faire lien avec le traumatisme, seule la mise hors de danger ou la mise en place de conduites d'évitement peuvent permettre d'échapper à cette réactivation.

Mais les conduites d'évitement sont vouées à l'échec si les violences continuent, si la victime reste en contact avec son agresseur, la mémoire traumatique est continuellement réactivée, la souffrance est intolérable, pour y échapper il ne reste plus comme solutions que disparaître (suicide) ou la mise en place des mécanismes de sauvegarde par disjonction, cette disjonction dans un premier temps peut se faire spontanément, la victime face à son agresseur se dissocie et se retrouve dans un état d'anesthésie affective et d'altération de la conscience avec dépersonnalisation, sensation d'étrangeté, impression d'être spectateur de ce qui lui arrive, d'assister à un film ce qui la rend incapable de se défendre, de réagir et la met dans la situation d'être totalement sous emprise (état hypnoïde).

Mais ce système de disjonction étant sous la dépendance de drogues endogènes "dures", cela entraîne assez rapidement des phénomènes de tolérance, d'accoutumance et de dépendance : pour que la déconnexion se fasse il faut un niveau de stress de plus en plus élevé pour avoir des taux plus élevés de drogues endogènes.

Cela crée alors une situation paradoxale où il y a une nécessité vitale de se mettre en danger pour pouvoir disjoncter en augmentant le niveau de stress quand la mémoire traumatique est allumée, par exemple quand il va falloir affronter son agresseur, l'anticipation de cette situation étant particulièrement intolérable.

La façon de se mettre en danger peut se faire :

  • soit par des conduites auto-agressives (auto-mutilations, tentatives de suicide, douleurs provoquées, conduites "masochistes"),
  • soit par des prises de toxiques qui reproduisent ou provoquent l'état dissociatif (alcool, drogues, surdosage médicamenteux),
  • soit par des conduites à risque avec mises en danger qui sont des conduites dissociantes qui s'imposent à elle, qui peuvent être de "céder", de "plonger dans le danger", de suivre son agresseur ou même de provoquer ou de proposer chez son agresseur des passages à l'acte par des conduites ou des propos, des attitudes "provocants", "séducteurs", passages à l'acte qu'elle redoute tellement que leur anticipation va créer un stress très important et permettre la disjonction et l'anesthésie affective qui permettra de vivre la situation redoutée dans un état "second" sans souffrance ni angoisse intolérable. Ces passages à l'acte, la victime ne les veut absolument pas, les craint plus que tout, et c'est pour cela qu'il est nécessaire qu'elle soit dans un état second pour y survivre.


La multiplication des situations traumatiques (violences qui continuent), la multiplication des situations de rallumage de la mémoire traumatique (rappel du traumatisme par des liens qui se font avec celui-ci, par un contact avec l'agresseur) entraînent un état de dissociation quasi continuel chez la victime avec dépersonnalisation, conscience altérée et anesthésie affective qui permet une emprise de l'agresseur sur la victime qui est de ce fait totalement vulnérable et dans l'incapacité de se défendre et peut même sembler "participer" aux violences par son état hypnoïde et par ses conduites dissociantes ("provocations", "propositions", "attitudes", paroles, qui sont des mises en danger) alors même que c'est la terreur qu'elle éprouve vis-à-vis de son agresseur et vis-à-vis des violences, dont elle ne veut surtout pas, qui l'ont mise dans cet état du fait d'un mécanisme psycho-neuro-biologique de sauvegarde nécessaire pour éviter un risque vital physique et psychique.

Le seul moyen pour y échapper étant de ne plus être du tout en contact avec son agresseur (contact physique, téléphonique, par courrier). L'agresseur, par expérience, le sait, aussi ne lâche-t-il pas sa victime (harcèlement, contact répétés).

Ce n'est que quand la victime se sentira protégée de son agresseur, mise à l'abri, qu'elle pourra sortir de cet état de dissociation, "se réveiller"et prendre alors conscience de la gravité des faits, et qu'elle sera confrontée à sa souffrance et pourra demander de l'aide et être traitée, mais si elle est mise de nouveau en danger les processus de dissociation pourront reprendre.

Bourg la Reine, le 09 février 2008,
Docteur Muriel Salmona

Pour en savoir plus :

  • L'essentiel, dans nos autres articles

  • Dr Muriel Salmona
    Le livre noir des violences sexuelles
    Editions DUNOD

    Collection: Hors collection, Dunod
    2013 - 360 pages


    "Les violences sexuelles, familiales, conjugales sont une réalité toujours peu prise en considération par les acteurs médico-sociaux et politiques. Or les conséquences psychotraumatiques de ces violences sont énormes en terme de santé publique. Cet ouvrage entend dénoncer ce silence et cette démission pour permettre aux victimes d'être réellement et efficacement traitées. Un livre document qui éclaire, explique et interpelle !"

    Sommaire :
    • Penser les violences sexuelles
      Un non sens traumatisant ;
      Les mécanisme à l'origine des violences ;
      Pourquoi les violences ne sont pas dénoncées ;
      Le cycle infernal des violences.
    • Les pathologies liées aux violences sexuelles
      La mémoire traumatique ;
      La dissociation et l'anesthésie émotionnelle ;
      L'hypervigilance ;
      Les conduites de contrôle et les conduites d'évitement ;
      Les conduites dissociantes ;
      Les autres conséquences psychotraumatiques.
    • Survive à la violence
      Pourquoi est-on choisi comme victime ?
      Pourquoi comment-on des violences ?
      Comment gérer sa mémoire traumatique ?
      Comment survivent les victimes ?
      Prise en charge et traitements.
    • Glossaire. Bibliographie.


    Biographie des auteurs
    Muriel Salmona - psychiatre, spécialisée dans la clinique des psychotraumatismes. Elle est responsable de l'Antenne 92 et l'Institut de victimologie. Elle a fondé l'association Mémoire traumatique et victimologie. Extrêmement active, elle mène un combat largement relayé par les médias. Elle anime un blog (stop aux violences conjugales, familiales et sexuelles).






Dernière édition par Shoshana~ le 2/11/2013, 20:21, édité 5 fois

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